Je suis assise là, sur le récamier lors d’une soirée d’été. Le soleil couchant éventuellement, laisse la possibilité de m’imaginer ce qui viendra. Nous sommes toutes deux, une en face de l’autre, se regardant dans les yeux. En peu de temps, la confiance se crée. L’instant qui suit, je me sens partir, divaguer ou même rêvée. Pour une fois, ce n’est pas moi qui fuis. Mes pensées se mettent à danser. C’est fluide, doux et tellement apaisant.
J’entends vaguement la voix extérieure me proposer de retourner dans le ventre de ma mère. Une proposition que j’accepte sans opposition. Je me sens bien dans mon cocon. Je me vois être une boule velue et lumineuse qui se promène dans l’espace. Un espace où le temps ne compte pas.
Il fait noir, il fait clair. Soudainement, c'est clair, je suis un homme brun vêtu de lin. Mes vêtements lourds me pèsent, me grattent et m’enveloppent pour me réchauffer de la froide brume qui s’appuie sur mes épaules. Nous sommes en mer. Les hommes qui m’entourent hurlent au loin comme s’ils avaient atteint la destination qu’ils attendaient depuis des mois. Fiers, heureux ou inquiets ? Certains semblent plus ou moins confortables à l’idée. Sommes-nous à quelques pas d’une écurie ou est-ce seulement nos propres habits imprégnés de tout ce temps passé à bord. Je suis sur le bord, debout, observant le large. La nuit tombante à peine, la peine me prend. Je me sens pris par les émotions. Peut-être est-ce de l’isolement, seulement ? Au loin se trouve une montagne sciée. Elle s’élève graduellement pour ainsi se séparer de sa moitié.
Brisé par les temps qui changent. Je me sens alors transpercé, tranché, trahis et déboussolé. Un homme à la mer ! Entendis-je avant de me fondre dans le décor. Je suis dans l’eau gelée, n’ayant pas la force de nager pour remonter à la surface. Mon cœur se glace et je péris, sans mépris, tué par un des miens.
Rose P.